AOC : Laurent Ferrari, l'avertissement que vous avez lançé au chef de l'état a surpris. Vous semblez vous rapprocher des positions des courants minoritaires.
LF : C'est vrai, ma position sur le traité constitutionnel a évolué récemment. Le résultat des élections eurogones m'a convaincu qu'il fallait retrouver un positionnement authentique. Se proclamer pour l'eurogon social un jour, négocier la présidence du parlement eurogon avec les conservateurs le lendemain n'est plus possible. Mais ce qu'on attend avant tout d'un dirigeant politique, c'est qu'il propose une vision claire, au-dessus des courants, sachant dire la vérité même quand elle fait mal. Dire que le traité constitutionnel eurogon n'est pas acceptable peut paraitre choquant. Mais qui peut se satisfaire d'aller dans le mur ? Il était de ma responsabilité d'agir et de tenter d'infléchir le destin...
AOC : Est-ce que c'est si grave ce traité ? Pouvait-on faire mieux ?
LF : Tout le monde semble se réjouir qu'un accord ait pu être trouvé après une mise en scène comportant un peu de suspense. Moi, je ne me réjouis pas car je sais que les difficultés sont devant nous, murissant en silence. Tout le monde pavoisait en 1938 après les accords de Munich. Cela n'a rien empêché. Les circonstances d'aujourd'hui sont bien différentes. Aucun conflit militaire n'oppose les nations eurogones. Mais l'idéologie libérale qui anime la plupart des dirigeants eurogons, même de gauche hélas, laisse la voie libre à une guerre économique sans frein. Celle-ci est présentée comme une contrainte inéluctable contre laquelle on ne peut lutter. Pire, la meilleure façon de s'y adapter c'est soi-disant de démanteler toutes les régulations protectrices (les handicaps structurels comme dirait Jean-claude Cyclope). On est dans le domaine de la pensée unique. Je ne sais pas si l'on pouvait faire mieux aujourd'hui vu l'ampleur de l'épidémie de lavage de cerveau libéral. Les PSHogons doivent se lancer dans une vaste campagne de décontamination avec tous leurs alliés.
AOC : En lançant seul votre avertissement à Girouette, ne critiquez-vous pas implicitement la ligne officielle du PSH ?
LF: François Mimolette fait de son mieux. Les succès électoraux et le maintien de l'union du parti sont à mettre à son crédit. Et le débat interne sur le traité constitutionnel eurogon aurait pu fragiliser ces succès. Mais attendre sans rien faire que les dirigeants eurogons valident un traité inacceptable n'était pas faire preuve d'une grande responsabilité. Nous devions dire ce que nous voulions en cohérence avec notre programme pour une eurogon social. Voilà une occasion ratée par le parti. Les militants PSHogons vont maintenant devoir s'exprimer. Ce ne sera pas facile. Ils devront choisir entre la cohérence avec leur volonté réformatrice de gauche, et la compromission tactique avec les libéraux et les conservateurs.
AOC :Votre choix semble fait. N'êtes vous pas maintenant tenu de voter NON contre un traité constitutionnel que vous jugez inacceptable ?
LF : N'allez pas trop vite en besogne. Le traité est inacceptable, mais il est désormais une réalité : nos dirigeants n'étaient pas capables de faire mieux aujourd'hui. J'ai pour habitude de faire face aux réalités et de choisir en conscience et après une évaluation solide de la meilleure stratégie. Je n'exclue aucune hypothèse, appeler à voter OUI comme appeler à voter NON, qu'il y ait référendum ou vote au parlement. Choisir nécessite du travail, et j'ai demandé au LEPICE de travailler sur les scénarios possibles afin de choisir en pleine connaissance des conséquences probables. Il faut en particulier examiner les probabilités d'approbation du traité par les britannigons, de reconstitution d'un noyau dur de nations souhaitant vraiment avancer sur une voie nouvelle.
AOC : La majorité du PSH semble plutôt favorable au OUI. Prendriez-vous le risque de vous en désolidariser ?
LF : Qui vous dit que la majorité serait pour le OUI si je suis pour le NON ? L'enjeu est d'une extrême importance pour le PSH. Supposons qu'il appelle à voter OUI. Si, comme je le crains, l'eurogon continue de végéter en se laissant piloter par son idéologie libérale et en laissant croître les inégalités, je crains le pire. Nos citoyens se demanderont alors. Où nos dirigeants nous ont-ils emmené ? Pourquoi leurs promesses de lendemains qui chantent sont-elles démenties par les faits ? Je crains qu'ils ne songent alors à se tourner vers les souverainistes qui leur rappelleront : "nous sommes les seuls à vous avoir dit la vérité, nous vous avions prévenu". Il faudra peser tout cela avant de nous décider.
AOC : Dominique Nazedaq a dit qu'il était inimaginable que les PSHogon soient contre le traité constitutionnel eurogon.
LF : C'est effectivement dur à imaginer. Il faut réfléchir à plusieurs coups, en maitrisant ses émotions. Ce n'est certainement pas en s'agitant et en réagissant précipitamment sur des sujets de société secondaires qu'on y parviendra.
AOC : Le mariage homosexuel c'est secondaire ?
LF : Par rapport à l'homoparentalité, oui. C'est là qu'est la nouvelle frontière. Levons les yeux du guidon. Ceci est valable pour tous les sujets.